Thomas Evilley disait : « L’association étroite entre les Grecs et le bouddhisme a conduit à des échanges sur le plan philosophique. Bon nombre des premières théories du Mahayana sur la réalité et la connaissance peuvent être liées aux écoles de pensée philosophiques grecques. […] Le bouddhisme semble avoir pris naissance dans les communautés gréco-bouddhistes de l’Inde, à travers une fusion de la tradition grecque démocrate-sophiste-sceptique avec la tradition rudimentaire et des éléments empiriques et sceptiques non formalisés déjà présents dans le bouddhisme primitif. » Extrait tiré de La forme de la pensée antique : Études comparatives des philosophies grecque et indienne.
Les Grecs ont été parmi les premiers peuples bouddhistes en Asie centrale, occupant une région correspondant aux actuels Afghanistan et Pakistan, entre le 4e siècle av. J.-C. et le 5e siècle de l’ère chrétienne. Le gréco-bouddhisme a grandement influencé le développement conceptuel, philosophique et artistique du bouddhisme, en particulier de la branche mahāyāna. Par la suite, le bouddhisme s’est propagé en Asie centrale, en Asie du Nord-Est, en Chine, en Corée et au Japon à partir du 1er siècle.
La première représentation confirmée du Bouddha dans le monde est le reliquaire en or de Bimaran, découvert dans l’est de l’Afghanistan. Les traits réalistes du Bouddha dans cette représentation proviennent de l’art grec, tandis que ses traits faciaux sont helléniques. Bien que le bouddhisme soit souvent perçu comme une tradition asiatique sur le plan esthétique et philosophique, peu de gens savent que ses origines sont étroitement liées aux Grecs. Cette relation culturelle entre les Grecs et le bouddhisme a commencé avec les campagnes d’Alexandre le Grand et la conquête de l’empire perse au 4e siècle avant notre ère.
Alexandre a fondé plusieurs villes dans les régions de l’Oxus et de la Bactriane, établissant des colonies grecques qui se sont ensuite étendues à des régions clés telles que le col de Khyber, le Gandhara et le Pendjab. Ces régions étaient des points de passage géographiques entre l’Himalaya et les montagnes de l’Hindu Kush, facilitant ainsi les échanges culturels et commerciaux entre l’Inde et l’Asie centrale. Les colonies grecques établies dans ces régions de l’Asie centrale, comprenant l’Afghanistan, le Pakistan, l’Ouzbékistan, le Tadjikistan et le Turkménistan, ont joué un rôle essentiel dans la création des royaumes hellénistiques. Ces royaumes ont favorisé l’interaction entre les Grecs et l’enseignement bouddhiste à une époque où le bouddhisme était en cours de formation et de propagation. Bien que le bouddhisme ait été fondé par Siddhartha Gautama vers le VIe siècle avant notre ère, il s’est répandu plus largement deux siècles plus tard, à l’époque des royaumes grecs en Inde.
La disparition progressive des Grecs en Asie à cause des mélanges et des invasions successives mena à l’effondrement des royaumes helléniques et à l’extinction progressive de la culture bouddhiste raffinée. Si au début de ce processus, elle possédait encore quelque chose de son essence première ; l’art bouddhique s’est progressivement asiatisé et transformé à l’image des nouveaux peuples qui habitaient ces régions, pour finalement n’avoir plus aucun lien esthétique avec les anciennes sculptures qui jadis décoraient les temples sacrés par leur beauté et la finesse de leurs traits si caractéristiques du travail pointilleux d’une race aujourd’hui éteinte en ces lieux.